Répliques aux calomnies

Réponse à Alain Franquignon : dans le Coran, l’amour existe

Monsieur Alain Franquignon estime que la notion d’amour dans le Coran n’existe pas et il se demande même pourquoi les paroles du Prophète de l’Islam ne sont pas interdites, au même titre que Mein Kampf d’Hitler. Qu'en est-il en réalité ?

Monsieur Alain Franquignon estime que la notion d’amour dans le Coran n’existe pas et il se demande même pourquoi les paroles du Prophète de l’Islam ne sont pas interdites, au même titre que Mein Kampf d’Hitler. Qu’en est-il en réalité ?

Le présent article a été publié dans le blog du Huffington Post et écrit par Me Asif Arif, avocat au Barreau de Paris et directeur du site internet Cultures & Croyances et auteur de l’ouvrage L’Ahmadiyya : un Islam interdit

Je viens de lire une information, qu’un Québécois a vu puis qu’un Britannique m’a transmise. C’est dire qu’elle a au moins fait le tour de l’Occident. Dans un article publié chez dreuz.info, énième site participatif sur internet se revendiquant chrétien et néoconservateur, Monsieur Alain Franquignon, ès qualité d’agrégé des lettres, estime que la notion d’amour dans le Coran n’existe pas et il se demande même pourquoi les paroles du Prophète de l’Islam ne sont pas interdites au même titre que Mein Kampf d’Hitler. Intéressant.

Le Coran : Parole de Dieu et livre sacré des Musulmans

En poursuivant son étude du Coran, il se rend compte que le Coran contient « une extrême pauvreté du message » et il s’ensuit une étude des occurrences de mots dans le Coran pour en tirer la conclusion d’un livre qui n’explique pas « impose », qui n’appelle pas à l’amour mais « à la guerre » ou encore d’un livre qui simplement traduit d’une méchanceté quasi gratuite. Il me fallait revenir sur l’ensemble de ces éléments tant la tribune me paraît fausse.

Le mythe renaissant d’un islam guerrier: que dit réellement le Coran?

Je crois que pour analyser le Coran qui est un livre dense, il faut d’abord commencer par le lire en se purgeant de tout préjugé. Ce préalable est d’autant plus nécessaire que l’actualité internationale a largement obéré notre vision du Coran et du Fondateur de l’Islam. Une fois cette position de neutralité atteinte, il faut regarder les choses sans tomber dans une amnésie constante.

En effet, les personnes oublient très vite que la guerre sainte prévue par le Coran est une guerre en défense et non une guerre d’initiation. J’ai développé cette acception à l’appui de versets Coraniques dans plusieurs de mes articles. A titre d’exemple, le verset qui suit annonce que les musulmans sont appelés à combattre ceux responsables de la persécution violente des adeptes de non seulement l’islam mais aussi des autres religions:

« La permission de se battre est accordée à ceux contre qui la guerre est faite, parce qu’ils ont été injustement traités -et Dieu a assurément le pouvoir de les aider- ceux qui ont été injustement chassés de leurs habitations, seulement parce qu’ils ont dit: ‘Notre Seigneur est Dieu’. Et si Dieu ne repoussait pas certains hommes par d’autres, les cloîtres auraient assurément été démolis, ainsi que les églises, les synagogues et les mosquées où le nom de Dieu est souvent mentionné. Dieu aide assurément celui qui L’aide. Dieu est, en vérité, Puissant, Fort. » (Chapitre 22 : 40 à 41)

Le message du Coran est on ne peut plus clair: loin d’imposer une guerre perpétuelle à ceux qui rejettent son message, l’islam préconise la paix et la réconciliation, comme le proclame ce passage coranique:

« Et s’ils penchent vers la paix, penches-y aussi, et mets ta confiance en Dieu ; c’est Lui assurément qui entend tout, sait tout. Et s’ils ont le dessein de t’induire en erreur, Dieu te suffit assurément. C’est Lui qui t’a fortifié par Son aide et avec les croyants. » (Chapitre 8 : 62 à 63).

La Bible contient des passages violents

Dans les cercles eurocentriques, le concept de l’amour est souvent rattaché au Christ et à la Bible, tout en le niant aux traditions religieuses non judéo-chrétiennes. Bien entendu, l’auteur ne le présente pas ainsi mais sa tribune peut laisser sous-entendre un tel discours. Or, on ne peut que constater qu’une telle observation est fausse, et révèle une amnésie par rapport à ses propres traditions religieuses. D’abord, parce que lorsque je lis quelques passages de la Bible, je ne peux pas m’empêcher de dresser ce constat:

« Ne croyez pas que je sois venu apporter la paix sur la terre; je ne suis pas venu apporter la paix, mais l’épée. Car je suis venu mettre la division entre l’homme et son père, entre la fille et sa mère, entre la belle-fille et sa belle-mère; » (Mathieu 10 :34-35)

« Si un homme quelconque maudit son père ou sa mère, il sera puni de mort; il a maudit son père ou sa mère: son sang retombera sur lui. » (Lévitique 20 : 9)

« Demande-moi et je te donnerai les nations pour héritage, Les extrémités de la terre pour possession; Tu les briseras avec une verge de fer, Tu les briseras comme le vase d’un potier. » (Psaumes 2 :8-9)

« Josué battit tout le pays, la montagne, le midi, la plaine et les coteaux, et il en battit tous les rois; il ne laissa échapper personne, et il dévoua par interdit tout ce qui respirait, comme l’avait ordonné l’Eternel, le Dieu d’Israël. » (Josué 10 :40)

« …Ils s’emparèrent de la ville, et ils dévouèrent par interdit, au fil de l’épée, tout ce qui était dans la ville, hommes et femmes, enfants et vieillards, jusqu’aux bœufs, aux brebis et aux ânes. » (Josué 6 : 20-21)

« Mais dans les villes de ces peuples dont l’Eternel, ton Dieu, te donne le pays pour héritage, tu ne laisseras la vie à rien de ce qui respire. » (Deutéronome 20 :16)

Et j’en passe. Comparons désormais cela avec les préceptes du Prophète de l’islam concernant la guerre défensive lesquels découlent des Hadiths, source de droit dans la religion islamique lorsqu’ils sont réputés authentiques. Pour ce faire, notre énumération ne comporte que les éléments dont l’authenticité n’est pas remise en cause.

Aussi, est-il interdit aux musulmans de recourir à la duperie (Recueil de Muslim); on ne doit pas prendre à parti les prêtres, les fonctionnaires religieux et les chefs religieux (Musnad Ahmad); les vieillards, les invalides, les femmes et les enfants ne doivent pas être tués. (Abu Dawud); quand les musulmans pénètrent en territoire ennemi, ils ne doivent pas semer la terreur parmi la population. Ils ne doivent pas permettre le mauvais traitement du peuple (Muslim); on doit infliger à l’ennemi le moins de pertes possible. (Abu Dawud).

Et j’en passe. Je pense qu’il faudrait donc revoir l’ensemble de ces références à la lumière d’éléments plus subjectifs pour déterminer quel est le Livre le plus ou le moins violent.

La comparaison fallacieuse des occurrences

Dans la comparaison des occurrences, Alain Franquignon met en avant le nombre de fois où le Coran parle d’amour pour en déduire qu’il s’agit d’un livre avec une pauvreté du message. Or, ce qu’il ne faut pas oublier c’est que la Bible contient d’abord plus de passages parlant de violence que le Coran lui-même (selon certains, la Bible en contiendrait 1214 contre 527 pour le Coran).

Mais ensuite, quel est cet amour qui appelle au génocide et au massacre d’animaux innocents? Oser comparer cela à l’islam qui ne permet que la guerre défensive afin d’empêcher les cloîtres, les églises, les synagogues et les mosquées d’être détruits par les ennemis de la liberté d’expression, et qui interdit toute forme de violence contre non seulement les faibles de la société mais également les animaux et les cultures, relève tout simplement d’une malhonnêteté intellectuelle qui ne sert qu’à maintenir un climat de peur et de tension.

Par ailleurs, la pauvreté du message tant évoquée par l’auteur est fausse pour bien d’autres raisons. Alors que la Bible et les écritures saintes d’autres religions se réclament l’exclusivité du message divin, le Coran est un livre qui reconnaît la stature d’envoyé de Dieu à l’ensemble des personnalités clefs du monothéisme, et même plus: il reconnaît l’envoi de messagers avertisseurs à tous les peuples sur terre: « Et il n’est de peuple à qui un avertisseur n’ait été envoyé. » (Chapitre 35 :25). Cela en fait un des Livres les plus riches en termes de dialogue interreligieux. La « pauvreté du message » d’Alain Franquignon est en réalité une richesse interreligieuse pour beaucoup d’autres.

Le Coran met l’accent sur les bonnes actions et sur la possibilité pour les êtres humains de toutes confessions de s’assurer le salut.

« Assurément, les croyants, et les juifs, et les chrétiens, et les sabéens (terme qui dénote les adeptes des religions non abrahamiques) -quiconque parmi ceux-là croit en Dieu et au Jour Dernier (le jour du règlement des comptes) et fait de bonnes œuvres aura sa récompense auprès de son Seigneur et n’aura ni crainte ni regrets. » (Chapitre 2 :63)

La tradition d’Alain Franquignon offre-t-elle un message aussi généreux ?

La générosité du Coran se situe dans le cadre de sa vision pluraliste et égalitariste de l’humanité. Loin de Se proclamer le Dieu d’un « peuple élu » ou de choisir une race particulière pour effectuer Son unique incarnation – méprisant du même coup l’écrasante majorité des races en les forçant à adorer des images d’un dieu de couleur blanche – le Dieu de l’islam Se déclare bien trop sanctifié pour avoir besoin de se réduire à une incarnation humaine; et par Sa proclamation suivante ferme la porte au racisme :

« O hommes, Nous (au pluriel royal) vous avons créés d’un mâle et d’une femelle; et Nous avons fait de vous des clans et des tribus afin que vous puissiez vous reconnaître. En vérité, le plus honorable d’entre vous aux yeux de Dieu est le plus pieux parmi vous… » (Chapitre 49 :14)

Le lecteur perspicace verra tout de suite lequel des deux livres présente le message le plus pauvre, voire le plus dangereux pour les relations interraciales.

Je peux comprendre que mes mots ont été un peu forts mais ils sont à la lumière du billet auquel j’apporte réponse. La conclusion est simple. Alain Franquignon a peut-être lu le Coran mais mal. Il n’a pas réfléchi dessus mais s’est simplement attaché à une lecture acontextuelle et aveuglée par ses préjugés.

Remerciements : Abdul Ghani Jahangeer Khan.

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