Sermons 2011

Obéissance due à l’autorité – sermon du 1er avril 2011

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Révolution – Rébellion – Soulèvement arabe – Insurrection – Libye – Égypte – Côte d’Ivoire

Obéissance due aux autorités

par Hadrat Mirza Masroor Ahmad

Le sermon du 1er avril 2011 de Sa Sainteté le Calife avait pour thème l’obéissance due aux autorités ainsi que le comportement des croyants face à l’oppression et à l’injustice.

Vers la fin du mois de février, Sa Sainteté avait enjoint les ahmadis de prier pour le monde musulman, théâtre de nombreux soulèvements. La communauté Islamique Ahmadiyya ne possède pas l’influence ni le pouvoir de conseiller directement les dirigeants musulmans et de leur demander d’assumer leurs responsabilités envers leurs peuples. En de telles situations, le seul recours des ahmadis est la prière. Sa Sainteté avait aussi conseillé ces peuples de comprendre leurs devoirs et de ne pas offrir leurs pays aux fondamentalistes et aux étrangers. L’extrémisme n’est pas la solution à leurs déboires et l’arme la plus efficace demeure la prière.

La majorité des ahmadis ont compris ce message et par la grâce de Dieu ils ne participent pas dans ces soulèvements populaires. Mais certains demandent où s’arrête la limite de l’endurance face à la tyrannie et à l’injustice des despotes. En Côte d’Ivoire, à titre d’exemple, la lutte pour le pouvoir perdure jusqu’à présent : comment agir face à ceux qui s’y accrochent coûte que coûte et les ahmadis peuvent-ils participer dans l’insurrection populaire ? Voilà quelques-unes des interrogations de certains qui n’ont pas saisi le dernier message de Sa Sainteté et exigent des réponses claires et nettes en dépit de toutes les explications fournies préalablement.

Dieu interdit la rébellion

La ligne de conduite de la communauté Ahmadiyya repose sur le Saint Coran, les dires du Saint Prophète Muhammad (s.a.w) et les paroles du Messie Promis (a.s). Pour qu’il n’y ait plus d’ambiguïté à ce sujet il est important de comprendre comment doit agir les croyants lors des soulèvements, l’obéissance qu’ils doivent aux autorités et comment revendiquer leurs droits.

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Dans le verset 91 du chapitre 16 du Saint Coran, Dieu affirme qu’Il interdit l’indécence, le mal manifeste et la rébellion (Al-Baghyi). Selon le Messie Promis (a.s) le terme « Baghyi » signifie une pluie diluvienne qui détruit les récoltes. Ainsi, agir en deçà ou au-delà de ce qu’exige la vérité est condamné par le Saint Coran. Ces directives s’adressent à la fois aux dirigeants et leurs sujets ; ils doivent assumer leurs responsabilités et respecter les limites fixées par Allah.

La patience face à la tyrannie

Dans de nombreux hadith, le Saint Prophète Muhammad (s.a.w) a conseillé les croyants de faire preuve de patience face à la tyrannie et aux exactions de ceux qui sont au pouvoir. S’adressant aux Ansar (musulmans de Médine) le Saint Prophète Muhammad (s.a.w) a déclaré : « Vous verrez après moi de nombreuses choses qui vous déplairont ; endurez cela avec patience jusqu’au jour où vous allez me rencontrer dans l’Au-delà. Vos droits seront lésés et on va préférer les autres à vous ; en de telles situations respectez vos devoirs envers vos dirigeants et demandez à Allah de vous accorder vos droits. »

Hadrat Ibn ‘Abbasra rapporte que le Prophète d’Allah a dit : « Si quelqu’un voit quelque chose d’indésirable en son chef ou dirigeant, il doit être patient car, s’il s’éloigne, ne serait-ce qu’un peu, de l’obéissance (Al-Jama’ah), il mourra dans l’ignorance. »

Salamah Ibn Yazid demanda au Messagersaw d’Allah : « O Prophète d’Allah ! Si des dirigeants sont établis sur nous et qu’ils nous demandent leur droit, alors qu’ils nous refusent les nôtres, que nous ordonnes-tu de faire ? Le Saint Prophète Muhammad (s.a.w) se détourna de lui. Puis Salamah lui demanda encore et il se détourna de lui. Puis il lui demanda une troisième fois, puis Al-Ash’ath Ibn Qays le tira vers lui. Le Saint Prophète Muhammad (s.a.w) répondit : « Écoutez et obéissez. Car ils porteront la charge de ce qu’ils font et vous porterez la charge de ce que vous faites. »

Hadrat ‘Ubadah Bin As-Samitra raconte : « Le Saint Prophètesaw nous a appelé et nous avons prêté allégeance à ses mains. Nous lui avons promis que nous écouterons et obéirons dans ce que nous aimons comme dans ce qui nous déplaît ; dans la difficulté comme dans l’aisance même si on lèse nos droits. Et nous ne contesterons pas ceux qui ont de l’autorité sur nous à moins [qu’il ne soit question] d’un acte d’incroyance flagrant à propos duquel nous avons un témoignage de la part de Dieu…»

Les wahhabites et les salafistes disent que le peuple a le devoir de destituer leur dirigeant si ce dernier a été coupable d’un acte d’incroyance manifeste. Selon leur fatwa il est un incroyant celui qui ne considère pas comme mécréant un individu qualifié comme tel par eux.

La désobéissance à l’État

L’interprétation de la communauté Ahmadiyya est toute autre ; selon elle on doit désobéir aux autorités si celles-ci nous demandent de commettre des actes contraires à la foi. Par exemple au Pakistan la loi exige que les ahmadis se disent non musulmans, qu’ils ne récitent pas la Kalimah (profession de foi) ; elle affirme par ailleurs qu’ils n’ont pas le droit de lire le Saint Coran, ou de se saluer selon la coutume islamique. Les ahmadis ne peuvent obéir ces lois car il est question ici de la foi. Mais ce n’est pas pour autant qu’ils vont se rebeller contre l’État. Ils respectent et vont continuer à respecter toutes les autres lois en vigueur sauf celles qui les contraignent de transgresser les lois de Dieu et de Son Prophète (s.a.w).

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Choisir le moindre mal

L’imam An-Nabawi explique ce hadith en disant que l’on ne doit pas se soulever contre l’État ; si celui-ci est coupable d’une action contraire aux préceptes islamiques on doit l’en informer et dire la vérité. Mais il est interdit de se rebeller contre l’État, même si ceux en autorité sont des tyrans et corrompus. Selon les ahle-sunnah destituer les gouvernants sur la seule question de leur perversion est défendu. Essayer de les écarter pour ces raisons causera plus de tort et fera couler plus de sang. Laisser en place un dirigeant dépravé et oppresseur est un mal moindre et causera moins de préjudice que d’essayer de le destituer. Nous sommes en train de témoigner de la justesse de cette explication aujourd’hui. Les musulmans sont en train de s’entre-tuer et beaucoup ont perdu la vie au cours de ces révolutions.

Qui doit arrêter le mal ?

Nu‘mān Bin Bashīr (r.a.) raconte que le Saint Prophète Muhammad (p.s.s.l.) a dit : « Le cas de celui qui respecte les limites prescrites par Allah, comparé à celui qui les transgresse, ressemble à ces gens qui tirent au sort pour se réserver des places à bord d’un bateau ; certains obtiennent le pont supérieur et d’autres vont à l’entrepont. Lorsque ces derniers ont besoin d’eau, ils doivent nécessairement passer par le pont supérieur. Afin de ne pas déranger ceux du pont supérieur ils suggèrent de creuser un trou dans leur partie du bateau. Et si ceux du pont supérieur les laissent faire, tout le monde fera naufrage ; au cas contraire tout le monde sera sain et sauf. »

Dans un autre hadith, le Saint Prophète Muhammad (s.a.w) a dit : « Quiconque d’entre vous est témoin d’un fait blâmable doit obligatoirement s’y opposer par sa main. S’il en est incapable, que ce soit par la parole, sinon [en le désavouant] par le cœur mais ceci représente le moindre acte de foi. »

Selon un autre exégète, ces trois actions concernent trois catégories de personnes. Seuls ceux qui sont au pouvoir ont le droit d’arrêter par la main une action répréhensible. Les oulémas ont le devoir de condamner cette action, et le peuple quant à lui doit la répudier. Si tous essaye de prendre la loi entre leurs mains l’anarchie règnera. Et Allah déclare, par ailleurs, qu’Il n’aime pas le désordre.

Le Saint Coran nous présente l’histoire d’une vingtaine de prophètes ; et l’on ne trouve pas mention d’un seul qui se soit rebellé contre les autorités de son époque. Néanmoins, ils ont rejeté avec vigueur l’ineptie des croyances du pouvoir en place et ont ardemment prêché la vérité. L’on peut citer ici à titre d’exemple le cas du prophète Joseph, évoqué dans le saint Coran :

نَحْنُ نَقُصُّ عَلَيْكَ أَحْسَنَ الْقَصَصِ بِمَا أَوْحَيْنَا إِلَيْكَ هَذَا الْقُرْآَنَ وَإِنْ كُنْتَ مِنْ قَبْلِهِ لَمِنَ الْغَافِلِينَ

« Nous te racontons la plus belle des narrations en te révélant ce Coran, alors qu’avant ceci, tu étais parmi ceux qui n’étaient pas au courant. » (Le Saint Coran, chapitre 12, verset 4)

Le roi avait choisi Joseph comme responsable de la trésorerie de l’Égypte. S’il avait le moindre soupçon que Joseph, que Dieu nous en préserve, était un hypocrite et que son obéissance était de façade, il ne lui aurait pas accordé cette grande responsabilité. Se trouvant sous l’autorité d’un roi incroyant, Joseph respectait néanmoins les lois en vigueur en Égypte.

كَذَلِكَ كِدْنَا لِيُوسُفَ مَا كَانَ لِيَأْخُذَ أَخَاهُ فِي دِينِ الْمَلِكِ إِلَّا أَنْ يَشَاءَ اللَّهُ

« …c’est ainsi que Nous avions organisé les choses pour Joseph. D’après la loi du Roi, il n’aurait pu détenir son frère, à moins qu’Allāh ne l’eût voulu… » (Le Saint Coran, chapitre 12, verset 77). Joseph n’aurait pu retenir son frère cadet en raison des lois édictées par roi mais il oublia la coupe qui était utilisée comme mesure dans ses affaires ; et ainsi il pu retenir son frère avec lui. Joseph ne suivait néanmoins pas les lois du roi en ce qui concerne sa foi et sa religion.

Devoir d’obéissance

Le Saint Coran évoque ainsi l’obéissance à Dieu, à Son Prophète et à ceux qui sont en autorité :

يَا أَيُّهَا الَّذِينَ آَمَنُوا أَطِيعُوا اللَّهَ وَأَطِيعُوا الرَّسُولَ وَأُولِي الْأَمْرِ مِنْكُمْ فَإِنْ تَنَازَعْتُمْ فِي شَيْءٍ فَرُدُّوهُ إِلَى اللَّهِ وَالرَّسُولِ إِنْ كُنْتُمْ تُؤْمِنُونَ بِاللَّهِ وَالْيَوْمِ الْآَخِرِ ذَلِكَ خَيْرٌ وَأَحْسَنُ تَأْوِيلًا

Ô vous qui croyez ! Obéissez à Allāh et obéissez au Messager, et à ceux qui ont de l’autorité sur vous ; et si vous êtes en litige sur n’importe quelle question, référez-la à Allāh et au Messager, si vous croyez en Allāh et au Jour Dernier. Cela vaut mieux et est excellent par rapport au résultat. (Le Saint Coran, chapitre 4, verset 60)

D’aucuns pensent que « Minkum » ne s’applique pas à l’État, et qu’en conséquence aucune obéissance ne lui est due ; ceci est tout à fait faux. Selon le Messie Promis (a.s) toute action de l’État qui est en accord avec la sharia entre dans la catégorie de « Minkum ». Si l’on est sujet à un régime autoritaire l’on ne doit pas se rebeller. Au contraire l’on doit se réformer et prier qu’Allah enlève cette oppression ou qu’il rend ce régime moins tyrannique. La souffrance de l’homme est dans la plupart des cas la conséquence de ses mauvaises œuvres. Car le décret de Dieu accompagne toujours le croyant et c’est Lui qui pourvoit à ses besoins. Le Messie Promis (a.s) conseille les membres de sa communauté d’être des exemples de vertu et de ne pas léser les droits de Dieu et ceux de Ses serviteurs.

Certains musulmans pensent à tort que le verset précité leur ordonne de se soumettre uniquement à l’autorité d’un gouvernement musulman. Néanmoins, le terme « Minkum » ne signifie pas « ceux de la même religion que vous ». Ceci est expliqué par le verset dans lequel Dieu s’adressant aux incroyants leur dit qu’Il leur a envoyé des prophètes qui sont des leurs (Minkum). Si l’on affirme que le terme « Minkum » signifie « être de la même religion », l’on devra accepter, que Dieu nous en préserve, que les prophètes de Dieu partageaient la même religion que celle des incroyants. On déduit donc que le terme « Ulil-Amri-Minkum » signifie « ceux qui ont de l’autorité parmi vous », qu’ils soient musulmans ou pas.

Il est aussi dit dans ce verset que s’il y a un litige quelconque, l’on doit indiquer aux dirigeants leurs erreurs et leur montrer la décision d’Allāh. S’ils font la sourde oreille, on doit laisser la décision de les châtier ou pas entre les mains de Dieu.

Un ahmadi doit aussi respecter les conditions de son serment d’allégeance. Selon la deuxième condition il promet de se préserver de la fausseté, la fornication, l’adultère, du regard lascif, la débauche, la dissipation, la cruauté, la malhonnêteté, la méchanceté et la rébellion, et de se garder de tout emportement personnel, quelle que soit son intensité.

Dans la quatrième condition il promet de ne pas nuire, surtout sous l’influence de ses passions, aux créatures d’Allah en général, et aux musulmans en particulier, que ce soit de sa langue, de ses mains ou autrement.

Le désordre est pire que le meurtre

Le Saint Coran déclare : [semer] le désordre est un crime encore plus grave que le fait de tuer (Le Saint Coran, chapitre 2, verset 218).

À ce sujet le Messie Promis (a.s) déclare : « La rébellion et mettre à mal la paix de la société sont pires que le meurtre. Ceux qui sont en autorité signifient physiquement le roi (ou les dirigeants) et spirituellement l’Imam de l’époque. Celui qui ne va pas à l’encontre de nos intentions et qui nous accorde les avantages dus à notre foi est des nôtres. » (Daruratul Imam)

Ailleurs le Messie Promis (a.s) enjoint les membres de sa communauté de respecter les lois mises en vigueur par l’État. La rébellion contre l’État est un crime selon lui. (Malfuzat, volume premier, page 134)

Quand des étudiants d’une université firent la grève, le Messie Promis (a.s) somma les ahmadis de ne pas y participer, de demander pardon à leurs enseignants et de réintégrer leur classe. D’autres étudiants suivirent leur exemple et mirent fin à cette grève.

Certains déduisent que l’on peut se rebeller contre l’État en raison de la permission de manifester que le deuxième calife avait accordé aux Ahmadis en 1929. Le contexte était tout à fait différent : il avait donné la permission de manifester en faveur des musulmans du cachemire dont les biens étaient spoliés par le Raja (roi) de la province. Au cours de cette manifestation, autorisée par l’État, il n’y a pas eu de violence ni de casse.

Le deuxième calife découragea aussi les commerçants ahmadis de participer dans une grève à Lahore en disant que cela n’aura aucun effet positif. Il déclara aussi que les ahmadis ne peuvent coopérer avec ceux qui leur demandent de ne se rebeller, de tuer les autres, et de ne pas respecter les lois en vigueur.

Condamnant ceux qui sèment le trouble sur terre le Saint Coran déclare : « Et quand il est au pouvoir, il parcourt le pays pour y créer le désordre et détruire les récoltes et les populations ; et Allāh n’aime pas le désordre. » (Le Saint Coran, chapitre 2, verset 205)

Lorsque les oppresseurs usurpent le pouvoir ils font tout pour réduire à néant leurs opposants.

L’État à, parmi ses autres nombreuses responsabilités, le devoir de protéger la vie de ses citoyens, de créer un environnement économique viable. Négliger cela signifie inviter les troubles. Si le fossé entre riches et pauvres se creuse davantage la frustration grandira et sèmera le germe de la rébellion.

Le deuxième calife de l’Islam, Hadrat ‘Umar (r.a) était d’une équité exemplaire ; quand le règne des musulmans cessa à Jérusalem les chrétiens habitant la ville conjurèrent les musulmans de rester car ils craignaient le pouvoir oppresseur de leur souverain chrétien. Mais aujourd’hui les musulmans sont en train de se révolter contre leurs leaders musulmans. La disparition de la Taqwa et l’absence de la justice en sont les causes.

Les bouleversements dans le monde arabo-musulman n’apporteront pas de paix permanente. Dans le sillage d’une révolution un tyran remplace toujours un autre. C’est la conséquence naturelle d’une prise de pouvoir résultant d’une rébellion. Que Dieu fasse que les musulmans et leurs dirigeants puissent comprendre leurs devoirs et leurs responsabilités ; et qu’Il nous protège de tout règne tyrannique.

À la fin de son sermon et de la prière du vendredi Sa Sainteté le Calife dirigea la prière funéraire de Mme Amtul Wadood, M. Muhammad Saeed Ashraf, Mme Naeema Begum et M. Naeem Ahmad Waseem.


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