Communiqués de presse

1915-2015 – Centenaire de l’arrivée du message du Messie Promis et Imam Mahdi (a.s.) dans le monde francophone

delegation mauricienne calife 1955

Cette année marque le centenaire de l’arrivée de l’Ahmadiyya, l’interprétation vraie de l’Islam, dans la francophonie.

Cette année marque le centenaire de l’arrivée de l’Ahmadiyya, l’interprétation vraie de l’Islam, dans la francophonie. En effet, nous allons puiser dans les pages de l’histoire pour découvrir comment le message du Messie Promis et Imam Mahdi (pssl) est arrivé dans le monde francophone, lorsque le navire portant le premier missionnaire envoyé de Qadian, le village où est né le Messie Promis, a jeté l’ancre dans le port à Maurice, île d’Afrique francophone située dans l’océan Indien.

La renommée de notre petite île est hors de proportion par rapport à sa grandeur. Cela est vrai aussi dans le domaine de l’histoire de l’Islam Ahmadiyya, car la venue du Messie Promis de l’Islam (pssl) y fut reconnue longtemps avant beaucoup de grands pays. Est-ce parce qu’il se trouve un coin à l’île Maurice appelé « Le Bout du Monde » et qu’une révélation de Dieu au Messie Promis (pssl) lui promettait qu’Il répandrait sa mission justement jusqu’aux bouts du monde ?

En fait, dès l’année 1874, notre compatriote Al Hadj Ibrahim Suleiman Atchia, lors de son pèlerinage à La Mecque, avait entendu parler de l’imminence de l’arrivée de l’Imam Mahdi et Messie Promis. Mais ce ne fut qu’au début du siècle dernier, que quelqu’un de Maurice eut vent de l’arrivée du Messie Promis (pssl). Ce fut, bizarrement, un prêtre chrétien de l’Inde, dont le nom était Abdoul Wahed, qui apprit au frère Oumar Islam qu’un certain Mirza Ghulam Ahmad se proclamait Messie Promis en Inde.

Vers la même époque, une société La Fraternité Musulmane fut fondée à Port-Louis, la capitale de l’île. M. Noor Muhammad Nooraya [1], un maître d’école, en était le président. On comptait parmi ses membres, Messieurs Mohammad Azim Sultan Ghauth, Mawlabakhsh Bhunnoo, Hassan Ali, Ibrahim Tegh Ali et Baaqar Ali Bahadur. La dite Société faisait paraître une revue, L’Islamisme, que le rédacteur M. Nooraya, expédiait à diverses revues et institutions dans le monde, afin de recevoir en échange quelques numéros des leurs. C’est ainsi que dans une des revues qu’il reçut d’Angleterre, M. Nooraya trouva une annonce concernant la Review of Religions, imprimée à Qadian, en Inde, et fondée par Hadhrat Mirza Ghulam Ahmad (pssl). Dès 1907, M. Nooraya commença à recevoir des numéros de la Review of Religions et se mit à en imprimer des extraits dans L’Islamisme. Il en discutait par ailleurs avec des personnes qui s’intéressaient à l’Islam, entre autres Ahmad Ibrahim Atchia, dit le Major, Al Hadj Ibrahim Suleiman Atchia, Mota Atchia, Mianji Rahimbakhsh, Maulvi Hadji Ibrahim, l’Imam Madani de la Mosquée Jum’ah, la plus ancienne mosquée sur l’île, le Maulvi Sher Khan et Subhan Daulat.

Les premiers ahmadis à l’île Maurice

Vers 1912, M. Nooraya était prêt à accepter l’Ahmadiyya. En 1913 M. Mohammad Azim Sultan Ghauth vint travailler à la ville de Rose-Hill, comme instituteur dans la même école que lui. M Sultan Ghauth était le neveu du Mianji Subhan Rajab Ali qui connaissait un peu l’arabe et l’ourdou. Avec l’aide ce dernier et de M. Nooraya, M. Sultan Ghauth écrivit à Qadian pour demander des livres sur l’Ahmadiyya en ourdou. Ils louèrent une chambre à Rose-Hill pour se réunir et discuter plus librement de ce nouveau mouvement dans l’Islam.

C’est ainsi que vers 1914, un petit groupe de musulmans mauriciens était prêt à embrasser l’Ahmadiyya. On relève les noms suivants :

Noor Muhammad Nooraya, Mawlabakhsh Bhunnoo (parmi ses descendants, Ahmad Yadullah Bhunnoo, écrivain et traducteur de plusieurs ouvrages en français et Amir de la Jama’at de France durant les années quatre-vingt), Ilahi Bhunnoo, Mohammad Azim Sultan Ghauth (père de l’écrivain Rashid Sultan Ghauth), Subhan Rajab Ali, Omar Islam, Ahmad Aqloo, Ali Muhammad, Al Hadj Ibrahim Suleiman Atchia, Abdur Rahim Jamal Khan, Omar Muhammad, Qasim Ali Atchia, Dost Muhammad Islam, Amine, Isa Saleh Atchia, et Ghulam Nabi Boodhun.

Les premiers ahmadis indiens venus à Maurice

La Première Guerre mondiale éclata en septembre 1914. La même année, un contingent de troupes indiennes fut cantonné aux Casernes de la ville mauricienne de Vacoas. Dans un des premiers groupes vint un Ahmadi, Sharfatullah Khan, Shajahanpuri, qui ne devait pas faire un long séjour à Maurice. Mais il fut suivi par trois autres ahmadis : le docteur Lal Mohammad, le Sergent Syed Ameer Husain et Munshi Mohammad Ismael Khan (aussi connu sous le nom de Baboo). Par une heureuse coïncidence, le Dr Lal Mohammad rencontra M. Mohammad Azim Sultan Ghauth et par son intermédiaire, d’autres ahmadis de l’île. Le médecin ne manqua pas de prêcher l’Ahmadiyya et donna plusieurs conférences sous les auspices de la société mentionnée plus haut, La Fraternité Musulmane.

Le Dr Lal Mohammad proposa qu’un groupe d’ahmadis, dont Messieurs Nooraya, Sultan Ghauth et le Mianji Subhan Rajab Ali, écrivît à Qadian pour demander l’envoi d’un missionnaire pour prêcher l’Ahmadiyya à l’Ile Maurice et pour guider les ahmadis. Or, Hadhrat Mirza Bashir-ud-Din Mahmud Ahmad, Khalifat-ul-Masih II (qu’Allah soit satisfait de lui), venait d’accéder au Califat. Il choisit Hadhrat Sufi Ghulam Muhammad B.A. (Qu’Allah soit satisfait de lui), compagnon du Messie Promis (pssl), pour être le premier missionnaire à prêcher l’Islam réformé et ravivé dans notre île.

Le Sufi Ghulam Muhammad quitta Qadian le 20 février 1915. Il s’arrêta au Ceylan (dont le nom moderne est le Sri Lanka), pour une période de trois mois, en attendant le navire qui devait le conduire à Maurice. Durant ce court séjour, le Sufi Saheb donna plusieurs conférences et réussit a y créer un noyau d’ahmadis.

Le Sufi Ghulam Muhammad Saheb, premier missionnaire à Maurice

Du Ceylan, le Sufi Saheb embarqua sur le SS Kanara et arriva à Port-Louis le mardi 15 juin 1915. Mais il ne put débarquer le même jour, car des gens de l’île avaient objecté auprès des autorités contre son entrée dans le pays. Une lettre de protestation fut publiée notamment dans Le Petit Journal du 16 juin 1915. Toutefois après maintes démarches, le Sufi Saheb put débarquer le 16 juin 1915. Il fut accueilli chez M. Nooraya. Le lendemain, à l’aube, Sufi Saheb se rendit à la mosquée sunnite de Rose-Hill pour y dire les prières du matin. Il était accompagné

de son hôte, M. Nooraya. Ils rencontrèrent dans la mosquée Al Hadj Ibrahim Suleiman Atchia et le Mianji Ahmad, l’Imam de la mosquée. Ils firent tous leur prière derrière le Sufi Saheb.

Dans la même journée, Sufi Saheb retourna à la mosquée, en compagnie d’autres ahmadis dont Noor Muhammad Nooraya, le Dr Lal Mohammad, le Munshi Mohammad Ismael Khan, et le Sergent Syed Ameer Husain. À partir de ce jour, le Sufi Saheb fréquenta cette mosquée régulièrement.

Visite des mosquées à travers Maurice

Très vite, le Sufi Saheb se mit à rendre visite à toutes les mosquées de l’île. Il s’agissait là du moyen principal par lequel il pouvait contacter les musulmans du pays, qui étaient déjà quelques dizaines de milliers. Certaines de ses visites ont été documentées :

  • Juillet 1915 : la mosquée de Rose-Belle.
  • 11 août 1915 : la mosquée Jum’ah.
  • Août ou septembre 1915 : la mosquée de Camp des Lascars.
  • Octobre 1915 : la mosquée de Médine.
  • Janvier 1916 : la mosquée de Montagne-Longue.
  • 22 janvier 1916 : la mosquée de Terre-Rouge.
  • 28 janvier 1916 : la mosquée de Souillac.
  • 30 janvier 1916 : la mosquée de Chemin Grenier.
  • Février ou mars 1916 : la mosquée de Vacoas
  • 6 février 1916 : la mosquée de Mahebourg.
  • Mars 1916 : la mosquée de Montagne-Longue.
  • Mai 1916 : la mosquée des faubourgs à l’ouest de Port-Louis.
  • Mai 1916 : la mosquée de Phoenix.
  • Juin 1916 : la mosquée Jum’ah.
  • Mars 1917 : la mosquée de Calebasses.
  • Mars 1917 : la mosquée de Quartier-Militaire.
  • Avril 1917 : la mosquée Jum’ah.

Au cours de l’une de ses visites à la mosquée Jum’ah en 1916, le Sufi Saheb était accompagné de Messieurs Abdur Rahim Jamal Khan, Noor Muhammad Nooraya, Sadar Ali, Omar Islam, et Abdul Monaf Sookia. Le Maulana Abdur Rashid Nawab était le Grand

Imam de la mosquée Jum’ah. Il eut une conversation avec le Sufi Saheb et un rendez-vous fut fixé pour un débat entre les deux savants. C’était le Dr Hasan Shakir, un membre du conseil législatif du pays, qui avait voulu d’un tel dialogue. Le jour du rendez-vous était dans la troisième semaine du mois de juin 1916. Le Sufi Saheb, accompagné du Dr Shakir et de Noor Muhammad Nooraya, se rendit à la mosquée Jum’ah. Mais aucun dialogue ne put avoir lieu, le Maulana Abdur Rashid Nawab leur faisant dire qu’il se reposait et que le débat aurait lieu à une date qu’il fixerait lui-même par écrit. Quelque temps après, cependant, les autorités policières demandèrent au Sufi Saheb de ne point contacter Abdur Rashid Nawab. L’on devine que le Grand Imam était à l’origine de cette ordonnance d’interdiction de communiquer.

Dialogues avec les musulmans non ahmadis

Les relations entre les ahmadis et les non ahmadis devenaient de plus en plus difficiles. Le Sufi Saheb avait sollicité et obtenu des autorités la permission de tenir des réunions publiques pour prêcher sa religion. Il cherchait aussi à entamer le dialogue avec les savants musulmans. C’est ainsi qu’en août 1915, Sufi Saheb eut un entretien avec le Maulvi Ayatoullah à la Mosquée de Rose-Hill. Il en eut un deuxième au domicile du Maulvi. Mais quoique d’autres dialogues aient été prévus, ils n’eurent pas lieu, après que le Major Atchia [qui n’était pas encore ahmadi], lui eut montré certaines notes que le Sufi Saheb lui avait données.

Le Sufi Saheb eut un dialogue avec le Maulvi Sher Khan en octobre 1915. En 1916, il y eut un échange de propos avec le Mianji Yousouf de Saint Pierre. Le 24 avril 1918 le Sufi Saheb rencontra finalement le Maulana Abdur Rashid Nawab chez le Major Atchia.

Le Sufi Saheb donna plusieurs conférences publiques à Rose-Hill et ailleurs. À Port-Louis M. Cadinouche mit sa maison à sa disposition. À Médine, le missionnaire prêcha lors d’un mariage chez M. Qadam Rasul. À Montagne-Blanche il prêcha chez M. Syed Husain.

Opposition des musulmans non ahmadis

Au début de l’année 1917, la famille Bhunnoo se convertit à l’Ahmadiyya, ce qui eut un fort retentissement dans toute l’île. Bhunnoo père, qui était un des dirigeants de la mosquée de Saint-Pierre, y invita tous les ahmadis le 3 février 1917. Ces derniers se rendirent chez lui d’abord avant de se rendre à ladite mosquée pour leurs prières du soir.

La tension augmentait entre les musulmans sunnites et les ahmadis. En mars 1917, lorsque trois ahmadis de Saint-Pierre, en l’occurrence Messieurs Roshan Ali Bhunnoo, Ghulam Nabi Bhageloo et Mehdi Husain Ziad Ali, se rendirent à la Mosquée de Saint-Pierre, ils y trouvèrent les non ahmadis réunis en grand nombre.

Une discussion eut lieu et elle s’envenima, dégénérant rapidement en querelle violente au cours de laquelle des menaces de mort furent lancées. Ghulam Nabi Bhageloo s’en sortit le bras fracturé.

Mehdi Hosain Ziad Ali put se sauver indemne et Roshan Ali Bhunnoo fut délivré par des amis. À la suite de cette bagarre, les autorités rappelèrent au Sufi Saheb, et à Messieurs Nooraya et Roshan Ali Bhunnoo, que l’on était en période de guerre ; et il leur fut conseillé de ne visiter désormais que la mosquée de Rose-Hill.

Le missionnaire Maulvi Obeidullah Saheb

Le nombre de nouveaux ahmadis à Saint-Pierre étant devenu important, un deuxième missionnaire, le Hadhrat Maulvi Obeidullah (ra), vint desservir la communauté mauricienne. Fils de Hafiz Ghulam Rasul Wazirabadi, Compagnon du Messie Promis (as) et lui-même Compagnon du Messie Promis (as), il fut affecté à Saint-Pierre. Il fut rejoint par le Maulvi Nizamuddin, de l’Inde, plus connu comme le Maulvi Tailleur. Ce dernier était en effet tailleur de son état. Pendant qu’il tirait l’aiguille, il discutait théologie avec des amis hindous, car il était un spécialiste en religion hindoue. Cependant, il ne fut pas longtemps à Maurice. Le Maulvi Obeidullah fut le premier missionnaire ahmadi à qui des enfants naquirent durant son séjour à l’étranger. Il eut deux enfants à Maurice, dont le Hafiz Bashir-ud-Din Obeidullah, qui plus tard devint missionnaire comme son père.

Le Maulvi Obeidullah ne vécut pas longtemps. Il mourut le 4 décembre 1923 et sa tombe se trouve au cimetière de Pailles. Son père, le Hafiz Ghulam Rasul Wazirabadi se rendit à l’île Maurice pour ramener en Inde sa veuve et ses enfants.

Tension entre les musulmans sunnites et ahmadis

Les musulmans sunnites de Rose-Hill avaient cessé de fréquenter la Mosquée de Rose- Hill, devant la visite assidue qu’y faisaient le Sufi Saheb et les ahmadis. Les relations entre les deux sections de la communauté musulmane devenaient de plus en plus tendues.

On se souviendra que la Grande-Bretagne était en guerre contre la Turquie, dont le souverain était considéré généralement à Maurice comme le Calife ou le Cheikh ul Islam des musulmans. Le gouvernement colonial britannique ne se fit pas prier pour déporter plusieurs individus, dont des musulmans. Puisque le Sufi Saheb recommandait la loyauté envers le gouvernement britannique et prêchait le jihad de la parole et non le jihad armé, des musulmans se mirent à croire que les déportations de certains musulmans, surtout celle du Maulvi Ayatoullah, avaient été orchestrée par le Sufi Saheb.

Ces allégations furent démenties par le gouvernement, lorsque le Secrétaire Colonial déposa le 20 mars 1920 dans l’affaire Issackjee et autres contre le Sufi Saheb et autres [selon le dossier de la Cour Suprême No. 32452]. L’affaire dont il est ici question, constitue le point culminant de la crise entre les deux sections de la communauté musulmane à l’île Maurice. Elle fut logée le 6 septembre 1918. Les plaignants priaient la Cour Suprême de décréter que « les membres de la secte ahmadie ne peuvent offrir des prières tant individuellement qu’en congrégation derrière un imam de leur choix. »

Les Juges, décrétèrent que les ahmadis ne devaient plus offrir des prières en congrégation dans une mosquée non ahmadie. En conséquence, les ahmadis durent abandonner la mosquée et se rendirent acquéreurs d’un terrain à la rue Edward VII dans la ville de Rose-Hill. Les ahmadis y construisirent leur propre mosquée et l’appelèrent Dar-us-Salam.

Une tentative fut faite par les sunnites auprès des hindous tamouls de Rose-Hill pour empêcher la construction du Dar-us-Salam sous le prétexte de la trop grande proximité du temple tamoul qui se trouvait, et se trouve encore, non loin de là. Mais les Tamouls, des gens sensés, ne firent rien de la sorte. Au contraire, et au grand dam des sunnites, ils contribuèrent généreusement aux fonds du Dar-us-Salam.

L’opposition ne s’arrêta pas là. Une tentative d’assassinat fut faite à l’encontre du Sufi Saheb. Abdul Ghany Khan Jahangeer Khan, d’origine afghane, fut envoyé par les sunnites pour accomplir cette besogne meurtrière, avec l’assurance qu’il aurait le paradis comme récompense. Celui-ci arriva sur les lieux dans une grande colère et demanda aux quelques jeunes ahmadis assis dans la cour où se trouvait leur imam. Ceux-ci, très apeurés, montrèrent du doigt la hutte où se reposait le Sufi Saheb. Il cogna lourdement sur sa porte. Le Sufi Saheb l’ouvrit et lui dit : « As-salamou ‘aleïkoum. Comment puis-je vous être utile ? » À la vue de ce visage honnête et lumineux, Abdul Ghany Khan Jahangeer Khan, baissant les bras, de répondre : « Je suis venu me joindre à votre Jama’at. » Le Sufi Saheb le fit entrer et c’est ainsi qu’il fit son serment d’allégeance. Plus tard, il épousa une orpheline d’origine française, Odette Noelia Furcy-Madeleine, la première personne d’origine française à embrasser l’Ahmadiyya.

Enregistrement de l’Association Ahmadiyya à Maurice

L’acquisition d’un terrain au nom de la communauté Ahmadiyya, exigeait l’enregistrement d’une société amicale, selon la loi sur les amicales de 1874. C’est de cette façon que « The Ahmadiyya Association of Mauritius » fut enregistrée en 1923. En cette même année l’on vit s’élever le bâtiment du Dar-us-Salam. À cette époque-là, il pouvait y avoir entre 300-400 ahmadis, hommes, femmes et enfants compris.

Départ du Sufi Saheb

Le dialogue se poursuivait tant bien que mal entre ahmadis et sunnites et l’opposition au Mouvement Ahmadiyya continuait. Toutefois les conversions grossissaient le nombre des ahmadis. Le Dar-us-Salam dut être agrandi avant le départ de Sufi Ghulam Muhammad Saheb en avril 1927.

Le missionnaire Hadhrat Hafiz Jamal Ahmad Saheb

La communauté Ahmadiyya resta sans missionnaire pendant près de quinze mois. Le 27 juillet 1928 le Sufi Saheb fut remplacé par Hadhrat Hafiz Jamal Ahmad Saheb (ra). Comme ce fut le cas pour le Sufi Saheb, Hafiz Jamal Ahmad Saheb ne put débarquer le jour de son arrivée au port. Mais le lendemain il put le faire après que M. Roshan Ali Bhunnoo eut fourni la forte somme de 30 000 roupies comme caution au gouvernement.

Le Hafiz Jamal Ahmad était un pamphlétaire, un polémiste et un écrivain de talent. Ses connaissances étaient vastes. Avec lui, le Mouvement connut une ère de propagande intense par la plume. Il publia des centaines de dépliants et les distribua aux quatre coins de l’île. Des personnes non ahmadies, surtout des musulmans, venaient le voir pour des conseils et des éclaircissements sur des points religieux.

Le Maulana Abdul Aleem Siddiqui

Tout homme de Dieu a son ennemi. C’est ainsi que ce fut durant son séjour que vint pour la première fois le Maulana Abdul Aleem

Siddiqi, de la ville Meeruth, en Inde. Le Maulana s’était arrogé le rôle d’extirper l’Ahmadiyya des pays en dehors de l’Inde. À l’époque où il vint pour la première fois, les hindous de l’Arya Samadj avaient engagé une vive controverse à Rose-Belle contre les musulmans et les hindous du Sanatan Dharma. Les leaders musulmans de Rose-Belle approchèrent le Maulana Siddiqi pour défendre la bannière de l’Islam. Mais il refusa de ce faire. Alors ils se tournèrent docilement vers le Hafiz Saheb qui réfuta tous les arguments des samadjistes dans un débat qui dura près de trois jours. Le Hafiz Saheb fut proclamé champion de l’Islam – par les sunnites, rappelons-le !

Jour du Prophète (saw)

C’est le Hafiz Saheb qui institua pour la première fois à Maurice le Jour du Prophète Muhammad (s.a.w), ou Seerat-un Nabi, on y commémore les beautés du caractère du Messager d’Allah (s.a.w.).

Les années de guerre (1939-1945)

La deuxième Guerre Mondiale nous introduisit dans une nouvelle ère de prédication religieuse. La radiodiffusion était une affaire privée, et les émissions présentées par des particuliers coûtaient très chères. Le Maulana Siddiqi s’en servait pour harceler les ahmadis de ses critiques acerbes et souvent de mauvais goût. Les ahmadis étaient quant à eux très pauvres, mais pour une fois, ils purent recueillir assez de fonds pour une réplique au Maulana.

Malheureusement, quand le Hafiz Saheb commença sa réplique, il fut interrompu par le Commissaire de Police qui déclarait que M. Abdul Razzaq Mohammed, un des commanditaires du Maulana Abdul Aleem, avait menacé de causer des troubles si le Hafiz Saheb continuait sa réplique. Comme on était en temps de guerre, le Hafiz Saheb dut changer le thème de son émission.

Expansion de la Communauté Ahmadiyya

Entretemps, la communauté augmentait en nombre. Des conversions importantes eurent lieu à Montagne Blanche et à Triolet. La société se rendit acquéreur de terrains à Montagne Blanche, Saint-Pierre et Triolet, grâce aux efforts du Hafiz Saheb. Le terrain de Triolet était un don de la Veuve Soodhun, résidente convertie de la localité.

En 1938 Hafiz Saheb inaugura des mosquées construites en chaume dans ces endroits. Par ailleurs, il doubla l’aire du Dar-us-Salam et lui annexa trois propriétés contiguës, dons de la famille Atchia.

La mort subite du Hafiz Saheb

Les années de guerre s’écoulèrent péniblement pour tout le monde. La situation en Inde tournait au tragique. En 1947, après la guerre, le Pakistan fut créé et le siège du Hadhrat Khalifat-Ul-Masih II fut transféré à Lahore, et plus tard à Rabwah. Le Hafiz

Saheb désirait ardemment revoir son pays natal, et surtout rencontrer son Calife.

Mais cela ne devait pas avoir lieu, car il mourut subitement le mardi 27 décembre 1949. Il fut inhumé à Circonstance, à Saint-Pierre, dans la section réservée aux ahmadis.

Hafiz Bashir ud Din Obeidullah Saheb

La communauté Ahmadiyya dut attendre près de dix-huit mois avant de pouvoir accueillir le 26 juillet 1951 un nouveau missionnaire en la personne de Hafiz Bashir-ud-Din Obeidullah, fils du feu Maulvi Obeidullah enterré au cimetière de Pailles.

Division dans la communauté

Hafiz Bashir-ud-Din Obeidullah eut un séjour très malheureux à l’île Maurice. Dès ses premiers mois, une faction composée principalement de quelques membres du Comité de Direction de la société, et se prétendant être légalistes, s’opposa à son administration. La situation empira au point ou ladite faction, à la faveur d’une manœuvre bien calculée, jugula ses adversaires au comité, niant leurs droits dans la société enregistrée à ceux des membres qui étaient en faveur du missionnaire. Ce dernier ne fut pas épargné non plus. On l’empêcha de prêcher dans le Dar-us-Salam. Son bureau fut mis à sac. Un pan de sa maison fut démoli afin de l’obliger à quitter les lieux. Obligatoirement, le missionnaire dut se retirer dans une maison privée loin du Dar-us-Salam. Cette manigance de la part de ces hypocrites au sein de la Jama’at n’eut pas beaucoup d’effet, car la majorité des ahmadis continuèrent à le suivre.

Le Maulana Fazl Ilahi Bashir

Afin de faciliter un rapprochement entre les deux camps, le Centre du Mouvement Ahmadiyya envoya le Maulana Fazl Ilahi Bashir pour remplacer le Hafiz Bashir-ud-Din Obeidullah. C’est ainsi que Maulana Fazl Ilahi Bashir arriva le 2 février 1955 et Hafiz Bashir-ud-Din Obeidullah nous quitta le 13 avril 1955.

Le Maulana Fazl Ilahi Bashir fit son entrée au Dar-us-Salam le 24 avril 1955. Il fut accueilli par tous les leaders de la faction récalcitrante. Tout présageait un rapprochement.

Malheureusement, les exigences des rebelles, comme on appelait les gens de la faction, furent telles que les relations s’envenimèrent rapidement. Toutefois le missionnaire resta au Dar-us-Salam, quoiqu’il fut traduit, sous diverses accusations, devant la cour civile inférieure et la Cour Suprême. Il sortit victorieux de chaque affaire. Le gouvernement se mêla dans la situation et il fallut faire de grandes démarches pour l’empêcher de déporter le missionnaire.

Finalement, toute la querelle fut tranchée par la Cour Suprême le 11 novembre 1960, par un jugement longuement motivé dans une plainte portée par les partisans du missionnaire contre les membres de la faction rebelle. Suivant ce jugement, une nouvelle élection libre fut tenue le 11 janvier 1961. Le Comité de Direction se composa uniquement des membres fidèles au missionnaire. Mission accomplie, le Maulana Fazl Ilahi Bashir nous quitta, par avion, le 13 janvier 1961.

Contributions du Maulana Fazl Ilahi Bashir

Durant son séjour, le Maulana Fazl Ilahi Bashir put faire bâtir une nouvelle mosquée à Phoenix, grâce à la générosité de la famille Soobhan de Rose-Hill. La mosquée de Montagne-Blanche fut aussi reconstruite en béton. Celle de Triolet fut reconstruite en bois et tôle galvanisée. Une nouvelle mosquée en bois et tôle fut érigée à Pailles, où un nouveau groupe de membres avait été formé grâce aux efforts du Maulana Fazl Ilahi Bashir. Maulana Fazl Ilahi Bashir nous introduisit dans une nouvelle ère de prêche : il fit publier plusieurs livres en français, surtout sur des sujets concernant la mort de Jésus-Christ, la véracité du Messie Promis et le prophétat en Islam.

Le Maulana Mohammad Ismail Munir

Avant son départ de Maurice, le Maulana Fazl Ilahi Bashir fut rejoint par le Maulana Mohammad Ismail Munir. Lors des élections du 11 janvier 1961, la société avait adopté à l’unanimité une résolution pour créer un fonds appelé The Khilafat Memorial Fund qui devait servir à reconstruire le Dar-us-Salam et à ériger un collège secondaire.

delegation mauricienne calife 1955

Délégation mauricienne lors de la Jalsa Salana, Rabwah, 1955

Assis de droite à gauche, Abdour Rahim Sookia, Abbass Calloo

Debout de droite à gauche, Mirza Mubarak Ahmad, Al-Hajj Azim Sooltangos, Hazrat Khalifatul Masih II (r.a.), Ahmad Yadullah Bhunnoo, Mirza Bashir Ahmad (r.a.)

Reconstruction du Dar-us-Salam

Le 3 septembre 1961 la communauté donna le premier coup de pioche qui devait lancer la construction du nouveau bâtiment qui abrite maintenant la Mosquée et les bureaux de la société. Le bâtiment est à étage, le rez-de-chaussée se composant de neuf grandes salles et l’étage de la mosquée. C’est la première mosquée à étage à l’île Maurice.

La construction de ce bâtiment est un exemple de sacrifice et de coopération. Les ahmadis de Maurice n’avaient que Rs 1500 pour démarrer ce projet ambitieux. Mais par la grâce d’Allah, la communauté, dans un élan admirable de sacrifice, contribua au-delà de toutes espérances, tant en main-d’oeuvre qu’en espèces pour mettre sur pied ce grand édifice.

Le Maulana Munir, ne put achever la construction. Cela échut à son successeur, le Maulana Fazl Ilahi Bashir, qui retourna sur l’île. À son départ, le Maulana Munir avait pu terminer le rez-de-chaussée et la dalle de l’étage.

Contribution de Maulana Ismael Munir

Le Maulana Munir avait lancé le périodique « Le Message » qui est devenu l’organe principal de la communauté. Il ouvrit le 16 janvier 1962 le lycée Fazl-e-Omar College au rez-de-chaussée du nouveau bâtiment. Il dut nous quitter le 27 juillet 1962, sa femme étant gravement malade à Rabwah.

De 1962 à 1965 le Maulana Fazl Ilahi Bashir avait fait imprimer plusieurs livres en français, dont les versions françaises de certains livres du Messie Promis (as). Ces traductions connaissaient un grand succès à l’étranger, notamment en Afrique francophone.

En 1964 l’Ile Maurice avait eu l’honneur d’aider à réviser une traduction française du Saint Coran.

C’était donc un aperçu de l’épanouissement et des revers temporaires qu’ont connus les musulmans ahmadis de l’île Maurice durant les premières cinquante années de leur existence.

L’île Maurice a offert une plate-forme idéale pour la diffusion du message du vrai Islam dans les pays francophones, en particulier ceux d’Afrique Centrale, de l’Ouest et du Nord, et d’Europe francophone. Avoir l’ourdou comme leur langue maternelle, le français comme langue nationale et l’anglais comme langue officielle de l’Etat signifiait que les premiers ahmadis mauriciens étaient les meilleurs candidats pour la traduction de la littérature ourdoue et anglaise en français.

Depuis le début, la Jama’at mauricienne a fourni des livres et des mensuels en français. Leur contribution la plus importante étant le don de pas moins de quatre éditions de la traduction française du Coran au cours des trente dernières années. Cette littérature a grandement aidé dans les efforts pour transmettre le message de l’Islam vrai dans toute l’Afrique et au-delà.

La Jama’at à Maurice a également contribué des missionnaires, des médecins et des enseignants qui ont travaillé dans les nations de langues anglaise et française d’Afrique et d’Europe. Cette tradition se poursuit aujourd’hui.

À tout cela, nous pouvons maintenant ajouter le partenariat entre les Mauriciens ahmadis et d’autres ahmadis ailleurs dans le monde, dans la gestion de sites web, une chaîne de télévision web, et des comptes de médias sociaux, ainsi que la traduction et la création d’émissions pour la chaîne de télévision satellisée, MTA international.

En outre, toute la correspondance française entre l’Afrique et le Calife passe par les mains de Mauriciens, qui agissent, comme ils l’ont été depuis le premier jour, en tant que traducteurs et interprètes.

À Maurice, le message n’a pas été transmis seulement à ses habitants d’origine indienne, mais aussi à ceux dont les ancêtres sont venus de toute l’Afrique continentale et à Madagascar, dont certains sont devenus partie intégrante de la Jama’at mauricienne, et leurs descendants ont été au service de la Jama’at jusqu’à ce jour. Ainsi, à bien des égards, Maurice était, et est toujours, une passerelle entre l’Inde et l’Afrique. Ceci est d’heureuse conséquence pour l’île Maurice ; car c’est en Afrique que se trouve l’avenir de la Jama’at.

L’avenir est en Afrique

En effet, dans la Review of Religions qui avait joué un rôle primordial dans l’introduction du message de l’Imam Mahdi (pssl) dans notre île, et plus précisément dans le numéro de Septembre 1955 de celle-ci, le Hadhrat Mousleh Mau’oud (qu’Allah soit satisfait de lui) fit la déclaration suivante adressée aux Africains du continent :

« Je suis en train de voir l’écriture sur le mur disant qu’un grand avenir s’annonce pour votre ethnie. Dieu ne rejette pas une race pour tous les temps à venir. Parfois, Il donne l’occasion à une seule nation et à un continent, puis Il offre la même occasion à une autre nation, et un autre continent.

Votre tour est arrivé. Vous avez été opprimés et dominés par d’autres pendant un temps très long. Soyez assuré que votre temps glorieux se rapproche rapidement. Les gens ont été encouragés à penser que la vôtre est une race inférieure. Je peux dire à propos de ma propre personne que durant ma jeunesse, quand j’avais l’habitude de lire des livres en anglais, j’avais moi aussi cette impression de votre race ; mais quand j’ai mûri et j’ai lu en profondeur les Hadiths et le Saint Coran, j’ai compris que tout cela était faux.

Dieu n’a pas fait une exception de votre peuple. Dieu mentionne toutes les races et les nations comme étant égaux. Quand Il envoie un prophète en ce monde, il accorde une intelligence suffisante pour que les hommes, qui sont adressés, puissent accepter ce prophète. Or si vous ne disposiez pas de suffisamment d’intelligence, ou en d’autres termes, si vous eussiez été une race inférieure, alors, que Dieu nous préserve d’une telle pensée, cela aurait été la faute à Dieu d’avoir envoyé un prophète pour des gens qui n’ont pas l’intelligence pour l’accepter. Mais cela n’est pas le cas.

L’Islam dit qu’Européens, Américains, Asiatiques, Africains et habitants des îles lointaines sont égaux. Tous ont le même pouvoir de compréhension, d’apprentissage, de mémorisation et d’inventer des choses. Les Américains se considèrent comme des surhommes. Ils méprisent même les Européens. Les Européens détestent quant à eux les gens d’Asie.

En ce qui concerne l’Ahmadiyya, je vous assure que nous (et quand je dis nous, je veux dire moi-même et tous les ahmadis qui me suivent) considérons tous les gens sur la terre comme étant égaux. Nous sommes tous égaux et avons les mêmes pouvoirs.

Je vous assure que pendant ma vie, je ne vais pas permettre à un ahmadi d’adopter les idées erronées précitées qui sont répandues dans le monde. Tout comme le Saint Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) avait dit qu’il allait écraser ces idées sous ses talons, je vous assure que je vais moi aussi écraser ces idées sous mes talons.

Alors, dispersez-vous et prouvez que vous êtes de vrais ahmadis. Faites savoir à vos frères que vous étiez au Pakistan et à Rabwah et que vous avez constaté que, au Pakistan il y a aussi des frères qui souffrent pour vous et qui considèrent tous les ahmadis comme étant égaux, et dites-leur que vous ne voyez pas en eux des Pakistanais, mais plutôt des Africains de différentes couleurs. Ils se tournent vers les frères africains et voient en eux leur propres parents et amis. Je m’attends au même sacrifice de la part des Africains et vous demande de prêcher et de transmettre le message de l’Islam à tous les coins de vos pays respectifs. »

À présent, une centaine d’années plus tard, nous pouvons voir l’immense progrès accompli par notre Jama’at dans toute la francophonie. Que tous les francophones se joignent à leurs frères et sœurs mauriciens pour célébrer le premier centenaire de l’entrée du mouvement islamique Ahmadiyya en Afrique et dans la francophonie !

Bibliographie :

1. Cet article a été inspiré en grande partie par « L’Ahmadiyyat à l’Ile Maurice (1912-1965) » d’Al-Haaj Ahmad Yadullah Bhunnoo, paru dans Le Message du 30 octobre 1965 et 15 novembre 1965

2. The Review of Religions ; Sept 1955 ; pp 532, 533


[1] L’orthographe de certains noms a été modifiée afin de correspondre à celle commune (et phonétiquement plus correcte) chez les Arabes ou les musulmans du sous-continent indien.

 

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